La gestion du stress pour les nuls
Bien trop souvent, je vois mon adversaire se décomposer lors d'un topdeck qui me met bien devant mais ne me donne pas la game.
La réaction de mon adversaire fait le reste.
Ce sentiment que tout se ligue contre vous et que la chance n'est pas de votre coté se gère. En poker, cela s'appelle le Tilt.
Ça m'est arrivé par le passé, comme à presque tous les joueurs que je connais, et ça n'est qu'une réaction naturelle au stress et à la compétition.
Quand on a l'impression que les conditions de réussite nous échappent, plutôt que de se reconcentrer et tirer le meilleur parti de la situation, on se convainc qu'on n'est finalement pas à la hauteur, et que la chance n'aidant pas, on n'avait pas la possibilité de gagner.
Ce mécanisme est bien pratique pour se préserver l’ego et on le retrouve bien souvent dans le traditionnel "bababa" qui accompagne nos sorties de route violentes.
Seulement, ce mécanisme nous prive de nos chances, bien plus sûrement que tous les pires topdecks de la terre.
Pour s'en défaire, finalement, rien de compliqué :
1) "That's Magic" :
Avec la meilleure préparation du monde, votre deck n'est qu'un arrangement de probabilités plus ou moins bien agencées en votre faveur. Admettez qu'il puisse exister un facteur chance et travaillez sur ce qui dépend de vous.
Les bad beats arriveront et pas un grand champion n'a vu son aventure se terminer sur le bas coté bêtement au moins une fois dans sa carrière.
Ce qui distingue les grands des autres, c'est leur faculté à ne jamais lâcher, que les coups durs soient nombreux ou non.
2) Le Tilt, c'est une réaction de défense :
Sentir l'envie de jeter sa main par terre et de se retirer moralement du jeu, ce n'est qu'une protection de votre ego, rien de plus.
Vous étiez venu pour gagner, pas pour rester prostré dans une position de fatalisme. Faites ce que vous étiez venus faire et focalisez vous s'il reste des coups à jouer pour sauver votre game/match/tournoi. En cas contraire, cf. point 1
3) Le Tilt, c'est une réaction naturelle :
Vous vous sentez en Tilt ? C'est que vous l'êtes sûrement. Et c'est normal de se sentir abattu quand un mauvais coup vous tombe dessus alors que vous pensiez être dedans. Acceptez votre réaction et ne la niez pas. Vous la surmonterez d'autant mieux.
4) Le Tilt, c'est passager :
Sachez prendre du recul. Discutez avec vos potes entre les rondes, et surtout, surtout, laissez les parler plutôt que d'exposer pourquoi la vie est trop injuste.
Ecoutez votre musique préférée, lisez un bout de bouquin, collez vous un peu le nez sur votre portable.
Cela vous changera les idées, et ça fera retomber la pression qui aurait dû rester à la table de votre dernière infortune.
5) Le Tilt, ça se combat mieux avec l'habitude :
Faites vous des points de référence pour vous rappeler en temps utiles que le Tilt, c'est quelque chose de néfaste que vous pouvez surmonter facilement.
Ces points de repère vous permettront, par association, de repartir au combat beaucoup plus vite.
Pour la petite anecdote, je me rappelle avoir dégonflé à vitesse extraordinaire à l'occasion d'un BOM il y a deux ans.
J'entame mon tournoi par une défaite cruelle contre un bon match-up : 3 top-decks enchaînés par mon adversaire me mettent dedans à la 1 et un mull à 4 me plie à la 2.
Dans ma tête, un bordel sans nom à base de "Dégouté ! Putain mais allô, quoi ! Et en plus je vais me torcher une pelletée de MU infâmes dans le bracket inférieur ! Putain de tournoi déjà mort d'office !"
Bref, pas la meilleure forme pour donner sa pleine mesure dans un jeu de réflexion.
La ronde 2 est annoncée et je m'assieds pour trouver en face de moi un adversaire en rage, littéralement.
Encore plus en tilt que moi, le gars tord nerveusement ses cartes, maugrée voire jure dans sa barbe à chaque pioche ou autre action de jeu de ma part.
Bien entendu, il ne sort pas un play correct avec son jeu ondin que ma cousine de trois ans jouerait avec une main dans le dos.
Et derrière, la sanction naturelle avec un 2/0 cinglant et un départ en forme de claquement de porte, hirsute et désespéré.
Rasséréné, je repars pour signer un 7/2 fort honorable et échoue pas loin du top 32 alors que ma ronde 1 ne me laissait pas forcément entrevoir l'état d'esprit permettant d'y arriver.
Et bien, ce mec de la ronde deux que j'ai vu s’asseoir en face de moi avec ses poings crispés, sa veine battant à la tempe, son image, c'est celle à laquelle je pense à chaque fois que je me sens partir en Tilt. Immédiatement, je descends de deux crans dans ma frustration et je me remets dedans.
Ce mec, dans son malheur, m'a donné un point de repère précieux : L'image de celui qui s'est dépossédé lui-même de toute chance, par son attitude négative et sa résignation.
Ce mec, c'est le gars que je ne veux jamais voir dans un miroir entre deux rondes.
Bien sûr, le démon qui avait piqué ce gars, il nous attend tous au tournant.
Les meilleurs savent juste le laisser passer sans imposer sa marque plus de deux secondes chrono.
Et si vous voulez gagner, il vous faudra le battre lui, au même titre que vos autres adversaires